Ne surtout pas comparer.
C’est le conseil que nous nous sommes auto-prodigués l’avant-veille de notre départ pour la Malaisie. Tout va être différent, il va falloir repartir de zéro si nous voulons vivre pleinement notre expérience Malaisienne.
Donc arrivée à Kota Kinabalu (ou KK pour les intimes), capitale de l’état de Sabah, l’un des deux états Malaisiens qui squattent Bornéo.
C’est assez moderne, les immeubles ne sont dans l’ensemble pas bien hauts, les rues sont très propres et tous les trottoirs sont abrités par un plafond et pour cause : Toutes les heures, trombes d’eau et chaleur écrasante se partagent la vedette.
Après une longue marche jusqu’au coin des touristes pauvres de KK aussi dénommé « Australian Place », nous voici débarqué chez Lucy, une petite bonne femme qui tient un Homestay très paisible et doté d’une terrasse agréable.
Nous sommes nazes, cassés par ce retour du Sud des Philippines en catastrophe pour prendre notre avion, nous avons besoin de repos et il s’avère que la maison de Lucy est le havre de paix que nous cherchions.
Une douche, et allons découvrir ce fameux KK dont tout le monde parle dans le coin.
KK est pourvu d’un quartier assez joli, arboré, où plusieurs restaus chinois, indiens et malais ont pignon sur rue. Par contre, niveau animation, on repassera. Il est 18h, personne dans les rues.
Ne surtout pas comparer.
Aux Philippines, ils étaient 98 millions.
Non, vraiment, ça a l’air d’être un chouette coin. Et puis il parait qu’ils cuisinent super bien, vu qu’ils ont été envahis de tous les côtés par tous les peuples. Du coup, ils n’ont gardé que le meilleur.
On se tape une soupe dans un resto chinois. Ce n’est pas pour comparer, mais après avoir mangé du poulet frit pendant quatre semaines, cette soupe est un salut pour notre estomac.
C’est plein de coriandre et un peu épicé. Que c’est bon !
Le lendemain, petite exploration de la ville. Mais ils sont où, les Malaisiens ? De temps en temps passe une grosse voiture.
Pas de touc-touc, rickshaw ou tricycle, pas de poubelle/épave qu’on ne sait même pas comment ça roule, de grosses voitures bien neuves et bien climatisées.
Des femmes voilées discrètes qui baissent les yeux en souriant.
Parfois, un mec super branché avec la coupe de cheveux de Justin Bieber et des lunettes Chanel traverse la rue. Des hommes qui fument et boivent du thé dans les restaus ouverts.
Mais sinon, pas grand-chose. Personne ne vient te parler pour te demander où tu vas. Personne ne vient te proposer de t’emmener à tel endroit. Personne ne vient te voir.
(Ne pas comparer)
Nous nous sentons un peu seuls sur terre car on nous laisse tranquille. Et nous avions perdu l’habitude.
Ils n’ont pas l’air méchant, pourtant. Quand on leur demande un renseignement, ils nous répondent avec un grand sourire.
Mais où sont les coups de klaxons, les coqs qui hurlent à toute heure du jour et de la nuit, les mobylettes et leur pot d’échappement qui pétarade sous notre fenêtre à 6 heures du mat ?
Un pareil silence dans une telle ville, une capitale quand même, attention, nous laisse perplexes. Le choc est grand. Et contre toute attente, le choc est rude.
Non mais comment ne pas comparer ?
Pas de jeune fille en fleur qui hurle dans les enceintes des restaus sur une musique sucrée.
Pas de grappes de gamins qui hurlent et jouent dans les rues en nous saluant comme si on était Johnny Halliday.
Pas de Philippin qui adopte la méthode du harcèlement tous les 50 mètres pour qu’on monte dans son tricycle.
Non, rien. Saint Maur des Fossés transféré à Bornéo, à peu de choses près. Bon, c’est un peu exagéré quand même.
Il va falloir aller voir autre chose qu’une grande ville. Les villes sont rarement intéressantes. Partons vers l’Ouest.
Il nous faut faire une halte au Brunei quoi qu’il en soit.
Le Brunei, c’est un petit pays un peu dans l’esprit du Luxembourg, enclavé sur la rive Nord de Bornéo. Selon nos sources, il fait bon être un Bruneien : Le pays est un des plus riches d’Asie, ils ont un système de sécurité sociale qui marche super bien et qui n’est même pas déficitaire, une croissance de 90% depuis 40 ans…
Mais ça c’est une autre histoire.
Partons à l’Ouest (et prenons la seule ligne de chemin de fer de Bornéo pour ce faire).
Arrivée à Beaufort (oui, oui, improbable) un dimanche à 15h.
Nous voulions rejoindre la côte pour se poser arbitrairement à Kuala Penyu.
Mais faut pas rêver, le dimanche, à Beaufort.
Nous resterons là, un peu désappointés de ne pouvoir aller au bout de notre objectif du jour.
C’est le moment de comparer pour de vrai.
Sur ce territoire Malaisien de Bornéo, il y a 30 habitants par km². En France, nous sommes une petite centaine. Aux Philippines, ils sont 350. Du coup, les infrastructures prévues pour les Malaisiens sont proportionnelles. Et ça n’arrange pas nos affaires.
Cela dit, contrairement à ce qu’on a entendu en exprimant notre volonté d’aller dans ce coin, Beaufort est une chouette petite ville avec pas mal de cafés et des gens nous regardant pour la plupart avec des yeux ronds « mais qu’est-ce qu’ils foutent là ?! »
En somme, même impression qu’à KK : Sympa, mais pas fou !
Bon, d’accord, ça claque un peu…
Au bout de deux jours, et après avoir parcouru 100 bornes en 5 jours, ce qui est très peu dans nos habitudes actuelles, nous décidons de réagir et d’atteindre notre but : Aller à Kuala Penyu !
Je vous passe les détails d’un torticolis qui est venu s’installer gentiment sur ma nuque, nous trouvons le seul hôtel du village qui ne dispose que de chambres climatisées, faisons un petit tour du propriétaire, puis nous faisons alpaguer par une dame blanche qui nous fait de grands signes tandis que nous traversons la rue.
Diane est là.
Repartons deux jours en arrière : Au vu des prix pratiqués dans ce pays et du peu d’information que nous avions sur les endroits sympas à aller voir à l’Ouest, nous nous sommes penchés sur l’idée de wwoofing.
J’ai dû déjà t’expliquer ça de trois façons différentes mais au cas où, je vais la faire simple : Travail et en échange gîte et couvert.
Diane et Gunter ont acheté un terrain au bord de la plage, ils ont besoin de mains pour construire. Il y a tout à faire chez eux. Un peu comme Manu à Neuilly, mais à Bornéo.
Ils nous montrent leur terrain. Les moustiques nous souhaitent la bienvenue. C’est pas très cossu, mais ils sont très gentils et proposent plusieurs activités pour les aider.
De plus, la journée de travail n’est pas non plus éreintante. 5 heures par jour tout au plus.
Seulement, avec ce torticolis, tout est remis en question. Et puis nous n’avions pas prévu, et puis nous ne savons pas, on se tâte, on se cherche du regard Aurel et moi, on doute ensemble, en se jetant des coups d’œil…
T’as envie de faire ça, je sais pas, ce pays me gonfle un peu, ils sont gentils, on pourrait économiser un peu pour se lâcher au Brunei, alors on fait quoi?
Ce matin, mes cervicales ont décidé pour nous : Alors que nous devions partir une semaine chez Diane et Gunter pour travailler sur leur terrain, je suis bloquée.
Bon, allez, on se tire d’ici.
Là, on en n’est plus à comparer.
Nous n’allons pas faire de vieux os dans le coin, c’est ce que cette expérience nous aura appris.
Nous ne cherchons pas à revivre ce qui s’est passé aux Philippines, ce serait vain.
Alors Good Morning Brunei, Bye Bye Brunei, et ensuite, on file vers l’Indonésie. Nous aurons droit à une deuxième mi-temps sur la Péninsule plus tard.
Quand tout à coup, quelques heures plus tard… Pulau Labuan ! Mais ça, c’est une autre histoire.