Dimanche 10 février
Il est 7h30.
Bon matin !
Nous nous préparons pour nos 24 heures de route avec quelques exercices d’assouplissement, un bel canto à l’unisson et deux-trois passes de boxe thaï.
Puis sortons attendre le bus devant l’hôtel.
Le temps est gris, il pleuviote et le bus arrive à fond de train. Nous voit. Pile. Le chauffeur et son acolyte sont hilares.
De si bon matin, eux aussi ont du chanter un bel canto à l’unisson.
C’est un petit bus, pas un minibus. Un peu comme un bus ado si vous préférez, mais sans le duvet sous le nez.
Et, comme nous l’avait expliqué la vendeuse de ticket de bus, un bus Executive, avec places pour les jambes et repose mollets et clim.
Nous montons dans le bus, allons chercher quelques autres compagnons de voyage et attaquons, de façon assez sportive, la route de montagne pour sortir de la vallée.
C’est assez majestueux, ces montagnes en à-pic couvertes d’une végétation vert-sombre, dans la brume matinale…
Ce qui est moins majestueux c’est le visage de la majorité des voyageurs. Se faire secouer ainsi de si bon matin ne réussit pas à tout le monde, même si en moyenne nous ne dépassons pas le 30km/h.
Une halte après 90 minutes et 20 secondes de route.
Quelques secondes de trop pour la jeune Indonésienne pépète qui balance son petit déj (composé majoritairement de riz, semble-t-il) sur le pas de la porte du bus.
On s’en fiche il y a une autre porte à l’arrière. Et c’est la sortie des zombies blafards et titubants, les dents serrées, cherchant dans l’air pur des montagnes de quoi se remettre.
La pause sera longue, il faut redonner une fraîcheur au bus et aux passagers, et le chauffeur préfère perdre un peu de temps et miser sur le rétablissement de ses troupes plutôt que de risquer la moquette de son promène blafards.
Puis quand tout le monde à repris plus où moins vie nous repartons, à la même allure, mais le bonheur est proche. Déjà les virages s’espacent, et oh miracle, une ligne droite devant nous !
Puis le bus stoppe, prend des passagers, repart, se charge plus loin de sac de riz et de quelques Durians (je vous ai parlé des Durians ? Si non rappelez-moi de le faire un de ces quatre matins), s’arrête pour que nous puissions nous nourrir et remplir le ventre de la petite Indonésienne pépète, puis repart, à fond les ballons.
J’en profite pour dormir. Me réveille plus tard alors que le bus traverse un joli parc naturel avec la mer au loin. Il est 17 heures et tout va bien, même si le ciel se couvre de nuages gris, comme souvent à cette heure de la journée.
Un peu plus tard, le bus ralentit fermement. Au détour d’un virage, un bouchon de belle taille. Des dizaines de camions et quelques voitures à l’arrêt. Leurs passagers sur le bas-côté sous les abris de pluie qui ornent les routes locales.
Un gars en mob, couvert de boue jusque aux genoux arrive dans l’autre sens.
– Que se passe t’il, l’interpelle notre pilote de bus adolescent ?
– Oh, la route est coupée, elle a été emportée. Répond le gars boueux
– Ok, dit notre chauffeur…
Puis il engage son bus dans un demi-tour. En calant plusieurs fois car cela fait quelques dizaines de kilomètres qu’il ne s’est pas arrêté pour purger la pompe à injection (oui je ne vous avais pas parlé avant pensant que ce n’était pas si palpitant, mais maintenant que je vois de l’intérêt dans vos pupilles dilatées, sachez que régulièrement à petite vitesse notre bus cale. Alors, le copilote ouvre une trappe dans le couloir central et fait apparaitre le moteur, puis descend dans le soute pomper, pendant que le chauffeur dévisse un truc qui permet à l’air du circuit de sortir et le revisse (la purge expliquée aux neuneus !). Le moteur peut redémarrer, on referme la trappe et c’est reparti !).
Une fois le demi-tour effectué, il coupe son moteur, son acolyte sort tous les bagages, cartons de Durian et sacs de riz. Puis dit un truc en chinois (pour nous c’en est) et se barre…
Il est 17h30, les sacs sont sur nos dos, nous sommes au milieu de nulle part, et le ciel devient menaçant…
Avec nous dans le bus un couple de bataves semble avoir compris qu’il fallait que nous avancions, que nous traversions l’éboulis, que nous trouvions un véhicule qui nous amènera à un point de rendez-vous où un autre bus viendra nous chercher.
Bon, allons-y ça à l’air rigolo. Les propriétaires des sacs de riz (dont un aveugle) trouvent des boys dans la population de camionneurs naufragés, et notre petite troupe avance gaillardement.
Nous passons des camions et des camions bloqués et arrivons au lieu du désastre naturel.
Ah oui, en effet, la route à disparu sur une bonne cinquantaine de mètres, remplacée par de la bonne boue beige orangée collante, dans laquelle la femelle batave s’enfonce jusqu’au genou, perds sa tong et sa fierté, mais heureusement sans mal.
Puis nous marchons de l’autre côté du désastre où des mobs traversent, portées par des épaules gaillardes et ou des camions courageux font de même mais aidés par un tractopelle. Puis nous nous abritons sous un abri de pluie et attendons.
Les autochtones récupèrent leur riz, et cherchent un véhicule pour nous emmener au point de rendez-vous. Il est 18h30, la pluie à commencé à tomber gentiment, quand un chauffeur de camion gentil accepte de nous trimballer jusqu’au restau-point de rendez-vous.
Il est gentil car nous sommes 25 et qu’il a une bétaillère, heureusement bâchée, la pluie se faisant plus dense.
Et nous nous entassons comme nous pouvons dans ce camion.
Qui déhotte avec certains de ses passagers assis, d’autres debout.
Claire, prévoyante s’est mise près de l’arrière pour pouvoir respirer et éviter le mal des transports…
Prévoyante mais trempée, car il pleut comme vache qui pisse et que la bâche facétieuse, de temps en temps, lui envoie un ou deux litres d’eau sur les genoux.
C’est sympathique comme tout ce trajet.
Deux drôles, un peu Drama-Queens gardent la tête dehors car ils sont allergiques à l’odeur du Durian (je vous en ai parlé déjà ?). Enfin, après une délicate attention du conducteur du camion qui met ce dernier à cul pour nous éviter d’avoir à débarquer sous la pluie, nous voilà au point de rendez-vous.
Le restaurant. Où nous nous jetons sur un bon dîner chaud (il est 19h30 désormais).
Et patientons, en jouant aux cartes que notre bus arrive.
Il devrait arriver dans pas trop longtemps normalement.
Et en effet à peine trois heures après que nous ayons fini de dîner un bus arrive. Le même que celui qui nous à débarqué presque six heure plus tôt. Nous allons retrouver notre confort et finir notre nuit comme il faut.
Sauf que, en fait pas vraiment. Ce bus n’est pas le même, l’espace pour les jambes est sensiblement réduit, adapté à la taille des locaux et pas de Golgoths comme nous…
Mais bon nous allons nous en sortir. Hein !?
Oui d’ailleurs le bus roule bien, conduite souple malgré la route de montagne qui continue. La lumière s’éteint et nous commençons à sombrer dans les bras de cette fripouille de Morphée.
Jusqu’au moment ou …
Le bus se transforme en discothèque mobile. Quelqu’un râle, en fait non, il n’aimait juste pas cette chanson, pas assez sirupeuse à son goût.
Mais le volume plaît. Pourtant la majorité des passagers à l’air de dormir. Comment font-ils, car même avec des boules quies profondément enfoncées dans les esgourdes, nous n’arrivons pas à dissocier l’esprit de ce bus d’un sound-system ?
Un sound system spécialisé dans la soupe romantico-dégoulinante certes, et cela nous fait presque regretter la regrettée Céline Dion (paraîtrait qu’elle est défuntée, et que son sosie ferait la suite du taf, R’né inclus)!
Deux heures de ce supplice et finalement je leur demande si il serait envisageable, sans vous froisser bien évidemment, de baisser le volume.
Vexés ou parce que je me suis fait mal comprendre avec mes mains dans la pénombre du bus ils coupent le son. Et lorsque le bus s’arrête quelques instants après il me demande où je descends déjà ?
Palu. Ah crotte comprend-je. Je les ai privés de leur daube musicale. Navré pour eux, je m’endors enfin. Pour me réveiller avec le soleil vers 6 heures. Le moment idéal pour sortir prendre l’air. Et découvrir que si le bus est arrêté ce n’est pas pour un arrêt programmé. Devant nous un camion arrêté, derrière plusieurs autres…
Le temps à mon cerveau bionique d’analyser l’information, en repérant un camion arrêté au milieu d’une large rivière, d’esquiver celui qui se dirige bon train vers l’eau boueuse, de repérer que le sol sous mes pieds est terreux, que la route bitumée est à 20 mètres de là et que le pont qui traverse la précitée rivière semble mal en point… et la lumière se fait.
Merci petit jésus. Ou petit Bouddha. Ou petit Mahomet.
Enfin, merci le petit ce que vous voulez je vous fais confiance.
Le pont de la route est pété, la déviation fait traverser la rivière de 30 mètres de large et d’un bon 80 cm de profondeur, aux gros véhicules.
Le camion au milieu est en panne. Celui qui a tenté d’attenter à ma vie venait le tracter, et les gens dans l’eau jusqu’à mi-cuisse piétinant les fonds sont là pour sonder les trous et guider les camions et autres bus devant passer par ce chemin improvisé.
Donc notre bus adolescent va passer par là.
Ok, c’est parti ! Une jolie gerbe d’eau, quelques hoquets, un peu de flotte boueuse qui passe sous les portes et ça passe. Les doigts dans le nez.
Cela se reproduira plusieurs fois, mais sur de ridicules cours d’eau qui enlèvent, par leur triste modestie, le côté aventure de l’expérience. Donc je me rendors. Et suis réveillé par je ne sais quoi.
Nous voilà au terminal de bus de Palu la tant espérée.
Il est huit heures, ils ont bien bombé les chauffeurs, nous avons rattrapé les presque six heures de retard de notre route effondrée.