Kampung Thom est une ville qui se situe sur la route nationale numéro 6, à mi-chemin entre Phnom Penh et Siem Reap (Angkor).
Après avoir fait un grand tour du Nord Est du pays, nous voici à présent sur la route la plus passante du tout Cambodge. Nous retrouvons nos amis les bus qui déboitent sur notre voie pour doubler un camion benne dont le terme « chargé jusqu’au toit » est un doux euphémisme.
Nous devons à nouveau nous ranger sur le bas-côté boueux pour éviter le choc frontal avec leur pare buffle. Tout en esquivant naturellement les trous béants dans la chaussée, les gamins qui vont à l’école avec le vélo de leurs parents et qui ont encore un peu de mal à le manier, les vendeurs ambulants de seaux en plastique, les vaches qui pensent que le bitume est plus agréable à vivre que le champ d’à côté et les nuées de papillons qui se suicident sur notre casque et notre chemise.
Kampung Thom est une grande ville bruyante, séparée en deux par une rivière. C’est globalement une ville sans trop d’intérêt, même pour nous qui recherchons un peu plus d’âme que ce qu’elle peut nous offrir. Enfin c’est ce que nous pensions en arrivant.
Forts d’une expérience désormais sans faille pour ce qui est du dénichage de la Guesthouse parfaite (voir l’article sur « Comment bien se loger en Asie du Sud-Est »), nous nous éloignons de la route nationale en prenant sa perpendiculaire et tombons tout naturellement sur une belle demeure qui renferme des chambres immaculées, vastes, lumineuses, qui sentent bon, dans un environnement où les oiseaux chantent sans être interrompus par les klaxons des mobs qui préviennent qu’elles vont forcer le passage à ce carrefour, sauf si la hiérarchie de la route l’emporte encore une fois. Bref, nous avons trouvé notre nouvelle maison.
Il s’avère qu’en fait, à deux cent mètres de chez nous se trouve une petite place passante, entourée d’échoppes pour boire un coup et casser la croûte.
Nous ferons de l’un de ces stands notre QG principal, la Cambodia étant servie à foison pour pas grand-chose.
Et Aurel aime bien la Cambodia car le système d’ouverture des canettes est à l’ancienne, je ne vous ferai pas l’affront de vous l’expliquer, et si vous êtes trop jeunes pour l’avoir vécu (comme moi), tentez de vous imaginer ce que « A l’ancienne » peut bien vouloir dire.
Sachez juste que la première fois que j’ai ouvert l’une de ces canettes, j’ai cru que j’avais cassé la languette à soulever et qu’Aurel se fiche encore de mon expression de visage et de mon « oh non, j’ai cassé ma canette ! »
Mais cet endroit est également devenu notre QG grâce à un monsieur d’une quarantaine d’années qui est le propriétaire du stand et qui vous parle dans un Anglais parfait.
Et c’est vrai que nous sommes plus habitués au langage des signes (dans lequel nous excellons à présent) qu’à parler anglais avec les Khmers. Certains, pleins de bonne volonté, tentent de vous faire croire qu’ils vont vous comprendre en vous sortant de façon fluide « What can I do for you ? ». Mais dès que vous exposez votre problème, le bon vieux langage des signes reprend ses droits.
En revanche, avec ce monsieur, c’est plutôt nous qui cherchons nos mots. Il a étudié l’Anglais à l’université, a été guide touristique, et à présent possède quelques échoppes dans un coin de sa ville natale. Il est ravi de nous expliquer quelles sont les merveilles que l’on peut découvrir dans sa région, et à plus large échelle dans son pays.
L’attraction principale de Kampung Thom, et la raison pour laquelle nous avons décidé d’y séjourner, est un parc qui se situe à 25 km de là et qui renferme trois temples de l’époque pré-Angkorienne.
Il parait que c’est une bonne introduction à Angkor. N’étant pas de grands experts en archéologie ni même légèrement intéressés par l’architecture des années 900 après Jésus Christ, nous y allons dans l’optique de découvrir de belles ruines dans une forêt, tels des explorateurs Français de 1861 (année où les Français ont découvert les ruines d’Angkor mais nous en reparlerons certainement).
C’est exactement ce que nous trouvons. Outre qu’il n’y ait aucun touriste qui se soit aventuré aussi profondément dans ces rizières qui commencent doucement à se remplir d’eau au fur et à mesure que la saison des pluies s’installe dans son canapé, des pierres d’une tonne chacune sont empilées çà et là entre les feuillages touffus.
L’émerveillement est instantané.
Un jeune homme nous accoste à la descente de la mob et nous parle en bon Français. Il est guide et organise entre autre des excursions en moto dans le Nord du pays pour visiter des temples reculés, à la frontière avec la Thaïlande.
Nous ne savions pas encore qu’à partir de cet instant, notre quotidien Cambodgien serait rythmé par la visite de tout un tas de temples très anciens.
Remerciant le francophone pour sa proposition, nous nous mettons à explorer la foret qui nous délivre ses pierres cachées et ses incroyables œuvres de bio-architecture. Je vous laisse seuls juges.
C’est beau, c’est calme, nous avons été malins car nous y sommes allés pour la fraîcheur du matin, mais cette fraîcheur s’estompe très rapidement et laisse place à une chaleur humide suffocante qui transforme nos habits en piscine en moins de temps qu’il faut pour l’écrire.
Après un frugal déjeuner composé de Morning glory (tiges de fleurs de nénuphar bouillies), fried rice et bœuf aux oignons, nous nous dirigeons dans le sens opposé, à 15 km de là.
Sur les conseils avisés de notre guide / propriétaire de boui-boui, nous arrivons dans un village traversé par cette fameuse et néanmoins très dangereuse route nationale n°6.
Et c’est un autre émerveillement qui prend la place du précédent.
Sur le bord de cette route, des hommes affublés de chapeaux et de cache nez taillent de gros blocs de pierre au rythme des coups de burins et des ponceuses.
Ce village, connu dans tout le pays pour sa spécialité, fabrique des statues de Bouddha, des devantures de temples, des décorations, des ornements.
Cela va de la tête de Bouddha de deux tonnes à la petite statuette de 100 grammes pour les touristes.
Partout, des icônes religieuses, plus ou moins terminées. Celle-ci reste à être poncée. Celle-là, on va la peindre en doré. Ce gros bloc de pierre sera un jour une vache.
Et puis pour passer le temps, les artistes se fabriquent leurs œuvres perso.
Sous une chaleur torride, ils travaillent sans relâche. Ainsi, nous avons pu voir la méthode ancestrale (moins les ponceuses électriques) de fabrication des statues sacrées.
Ce soir-là, de retour à notre QG, nous remercions notre guide pour ses précieux conseils.
Demain, nous partons pour Siem Reap découvrir les temples d’Angkor.
Et c’est avec une joie un peu nostalgique que nous appréhendons cette arrivée, car nous prenons conscience que chaque kilomètre nous rapproche un peu plus de la frontière Thaïlandaise et commence à nous éloigner de ce pays.
Un pays que nous n’avons pas vraiment envie de quitter.
Qu’à cela ne tienne, nous tenterons de rester.
Mais c’est une autre histoire…