Makassar, c’est fini, je ne crois pas que j’y retournerai un jour.

Profitez de cette photo, imprégnez vous-en.

Elle illustre parfaitement cet article.

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Makassar.

Capitale du Sulawesi Sud.

Plus grande ville de la région. 1,6 million d’habitants.

Trop de monde, une claque comme si je venais d’avoir 30 ans à l’autre bout du monde, dans un village reculé de tout, dans une vallée verdoyante de cocotiers. En plus, Bismo me l’avait prédit deux jours avant : J’ai la crève.

Il l’avait entendu au son de ma voix, et avait répondu à mon « How are you ? » par un « You’re sick, aren’t you ? ». Ils sont forts, ces gens de la campagne sulawesienne.

Donc Makassar. Une heure d’avion, plus trois heures de Pété-Pété pour faire 11km. Plus une petite marche.

Il fait nuit quand nous arrivons à l’hôtel. Une dame tout sourire nous accueille, nous montre une chambre sans fenêtre, assez petite, mais franchement, c’est très bien.

La télé doit prendre 1/5e de l’espace vital et en l’allumant nous tombons sur Fox Movies Premium. Après ce périple, ce salaud d’Indonésien qui nous a laissé sur le bord de la route avec nos sacs à dos quelques minutes plus tôt parce qu’il avait mieux à faire que nous conduire à notre hôtel et le rhume qui gagne encore du terrain dans mes sinus, regarder la télé a tendance à me réconforter.

Tout à coup, nous ne sommes plus à Makassar mais au beau milieu des USA, dans une famille dont les parents menacent de divorcer et leur baby-sitter de 17 ans amoureuse du père de famille prend des photos nues d’elle pour le séduire ; le tout sur fond de comédie américaine.

Et oui, un peu de connerie occidentale, ça fait du bien au moral.

Le lendemain matin le réveil est très dur.

La crève a pris possession de mon cerveau, nous sommes tous les deux crevés, et il est temps de faire un point sur notre capital santé et de tirer la conclusion suivante : Voyager pauvre, ça éreinte.

ça vous force à prendre des bus qui roulent pendant 36 heures, à prendre des bateaux qui naviguent pendant trois jours, à dormir alternativement par terre dans un terminal, recroquevillé sur une banquette pour enfant, à moitié allongé dans un escalier…

Et maintenant que j’ai 30 ans, je suis trop vieille pour tout ça.

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D’un autre côté, que de souvenirs cocasses ! Et puis on aura bien le temps de se sentir trop vieux plus tard, alors renseignons nous sur notre prochaine destination, et comment nous nous y rendrons.

Nous pensions à Flores, ou bien directement Lombok. Nous avons le choix entre l’avion et le bateau. Avantage de l’avion : C’est rapide.

Inconvénient : C’est bien plus cher, il faut retourner à l’aéroport et vu l’épopée que ça a été d’en partir nous n’avons pas spécialement envie de retenter l’expérience, et il est fort probable que le même problème se pose à l’arrivée pour rejoindre le centre-ville.

Avantage du bateau : C’est indonésien. Il y a justement un bateau qui part pour Flores après-demain. Et coup de bol : Il n’y en a que deux par mois. Il met vingt heures à arriver à destination.

De la gnognotte pour des globe-trotters de notre acabit. Banco, nous partirons dimanche pour Labuanbajo ! En attendant, repos.

Parce que non seulement il n’y a rien à faire de particulier à Makassar, mais en plus le temps ne joue pas en notre faveur.

Il pleut sans arrêt, ce qui n’aide pas mon moral attaqué par la maladie à remonter.

Dans l’après-midi de Vendredi, nous tentons une sortie au bord de la mer, entre deux saucées. Nous tombons sur une sorte de complexe de restauration occidentale avec tables et chaises en rotin foncé design et trop tendance.

Après Fox Movie Premium, nous nous laissons tenter à nouveau par notre culture. Ce sont deux chicken burgers ridicules et deux litres de bière qui nous remontent un peu le moralomètre.

Puis nous faisons encore quelques pas dans cette ville décidément trop bruyante, trop bondée, trop impersonnelle.

Nous cédons à la tentation de la banane verte : C’est l’histoire d’une banane que les indonésiens enveloppent d’une pâte verte, probablement à base de riz, et qu’ils trempent dans un mélange de pseudo-crème anglaise, crème de jeune coco et sirop chimique rouge. C’est trash, à la limite du gore, c’est parfait.

Puis retour dans notre chambre d’hôtel. Puis retour à Fox Movie Premium. Non, ça ne va pas très fort.

Le lendemain, Samedi pour ceux qui ne suivent pas, toujours malade. Rebelote. Nous tentons une sortie vers 11h alors qu’il ne pleut pas, mais il fait mortellement chaud. Puis nous rentrons à l’hôtel. Reposons nous.

Nous dormons.

Nous ne faisons rien.

Nous faisons un point.

Il n’est pas question de regretter quoi que ce soit.

La maladie déprime, c’est bien connu. Aurel essaie tant bien que mal de me remonter le moral.

Oui, nous manquons parfois cruellement de confort.

Oui, nous aimerions nous octroyer plus souvent des folies sur nos nuits d’hôtel ou nos repas.

Mais est-ce vraiment ça qui compte ?

Ce périple s’appelle « Sommes-nous seuls sur terre » et non « Prenons un an de vacances en hôtel club ». Ce que nous avons vécu ces derniers jours, cette immersion complète en territoire indonésien avec tous ces sourires, les zygomatiques qui font mal à force de les solliciter, la gentillesse infinie de ces gens, la simplicité avec laquelle ils nous ont accueillis dans leur famille et la simplicité avec laquelle nous nous sommes sentis complètement intégrés à leur vie, le quotidien que nous avons partagé avec eux, tout cela vaut cent fois, mille fois les cinq étoiles en bord de mer et les restaus chics qui servent des côtes de bœuf (rhô, une côte de bœuf ! Je serais prête à vendre ma mère pour ça !).

Du remue-ménage dans le couloir. Des pas lourds, des voix qui résonnent… Des mots familiers… Les Français ont investi l’hôtel.

– Putain, Pascale, c’est plein de moustiques, dans la chambre !

– Frank, arrête, c’est pas grave, c’est même pas dix euro la nuit !

– D’accord, mais je dis juste que c’est cher pour ce que c’est. Faudra négocier.

Heureusement qu’ils ont débarqué, eux.

Un peu plus et je redevenais Française à part entière, je recommençais à me plaindre pour un oui ou pour un non, je ne profitais plus de ce qui m’est offert de vivre et je regardais Plus belle la vie en streaming. L

a famille beauf par excellence a débarqué pour nous rappeler que nous restons les nantis des voyageurs. Nous voyageons pauvres, mais nous voyageons en illimité tout compris pendant un an.

Dimanche, le rhume a perdu une bataille. Nous partons de Makassar pour prendre notre bateau vers Labuanbajo et notre destin.

Le bateau est nettement plus petit que celui que nous avions pris pour arriver au Sulawesi. Dix fois moins grand, je dirais. Et deux fois plus de monde.

Nous cherchons le hall des officiers, tout en haut, à l’écart de la foule. Mais ce bateau est si petit que c’est plus un couloir qu’un hall. Et il y a tellement de monde que la foule nous rejoint rapidement. Je déniche deux matelas dans un coin de cale.

Aurel s’installe dans une niche entre un mur et un aspirateur industriel. Moi, je m’organise un petit coin douillet en haut de l’escalier, les jambes pendant allègrement sur les marches.

Très vite, notre petit coin est pris d’assaut.

Des djeuns indonésiens qui se sont installés derrière moi gagnent du terrain et squattent mon matelas pour glaner un coin d’oreiller. Ils ont été moins chanceux, ils ne sont pas arrivés à temps pour avoir un matelas à eux.

Ils sont mignons, ils sont tout petits et se relèvent dès que je fais un mouvement pour ne pas me déranger.

Le bateau est en pleine mer. Et vu qu’il est plus petit, il se fait ballotter correctement par les vagues. Parfois ça tangue bien.

Parfois on entend même le bruit de la coque qui cogne contre les vagues.

Du coup, grâce à notre accès direct sur le pont par une porte que les passagers ont trouvé judicieux à juste titre de laisser ouverte, nous avons droit à la mélodieuse symphonie de la gerboulade en ré mineur.

Parce qu’on se dit qu’un Indonésien, de par son statut géographique de personne insulaire, doit bien supporter les trajets mouvementés en bateau.

Que nenni ! Tout le monde est égal face au mal de mer.

Je ne fais pas ma fiérotte non plus, je l’avoue : Allongée sur mon matelas, je me récite des textes de théâtre pour penser à autre chose. Mais le pire, c’est quand il faut aller aux toilettes, tout en bas, dans la cale où il fait 40°C et où la chasse d’eau est cassée.

En 20h, j’irai deux fois aux toilettes et je prendrai soin de ne pas trop boire. Mais je resterai vierge de vomi, et j’en suis bien fière. Car ceux qui m’ont connu gamine savent qu’à la base, ce n’était pas gagné.

Aurel, en tant que blond de Gad Elmaleh, est tout serein, sort fumer des clopes régulièrement, regarde d’un air débonnaire les gens vomir par-dessus bord, mange des gâteaux au beurre de cacahuète, lit du Stephen King et passe une traversée agréable à côté de son aspirateur industriel.

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La nuit se passe malgré tout, la houle se calme, les indonésiens écoutent de la soupe très fort sur leur téléphone portable et en font profiter tout le bateau, l’appel à la prière de 4h30, les gens qui s’éveillent, qui rigolent, qui fument des cigarettes et te crachent la fumée dans le nez, les matins qui chantent.

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6h, le bateau arrive. Il galère à accoster, puis y parvient.

Nous descendons.

Alors c’est ça, Labuanbajo ? Petit port de pêche sans prétention. En face, normalement, il doit y avoir Komodo island, là où l’on peut effectivement voir ces charmantes bestioles préhistoriques.

Il y a une petite île, que j’imaginais quand même plus grande. Peut-être est-ce plus loin…

Nous échappons aux alpagueurs du lundi matin qui veulent nous emmener là où nous n’avons pas envie d’aller et faisons quelques pas en direction du centre-ville.

L’idée est de se trouver un petit hôtel pas trop cher, se louer une mob et explorer les environs. Il parait qu’il y a plein de snorkling à faire dans le coin et de super belles plages.

Et puis éventuellement aller voir les dragons dans les jours qui viennent.

La puce me vient rapidement à l’oreille. Sur notre chemin, les pancartes des magasins affichent toujours leur adresse en dessous. Un bon moyen pour savoir où on se trouve quand on se déplace en bus.

Et là, pas de Labuanbajo. Partout, il est écrit Kota Bima.

Euh… Aurel ? Je crois qu’on n’est pas là où nous pensons être…

Effectivement, nous sommes descendus trop tôt du bateau, et pauvre ignares des subtilités de la langue indonésienne, nous n’avons pas compris que le bateau reprendrait sa route pour Labuanbajo après cet arrêt à Bima. On nous avait dit que ce bateau était direct.

Et nous l’avons cru.

Cela dit, Bima n’est pas le « New hot spot of Indonesia » comme l’appelle notre ami le Lonely Planet, mais c’est le genre de ville que nous affectionnons : Rien de particulier à y faire, des gens adorables qui ne voient pas des touristes tous les quatre matins, et puis ça nous rapproche de Lombok.

Alors soit, restons là, ne remontons pas dans le bateau, et prenons un bus demain pour traverser l’île, prendre un ferry et arriver à Lombok, île touristique par excellence (à part Bali, bien entendu), dont les mérites et les beautés nous ont été vantés tant de fois par tant d’amis.

Mais ça, je crois que c’est encore une autre histoire.

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