Depuis que nous traversons les contrées de l’extrême Orient en mobylette, Aurélien, en féru de photographies qui vous mitraillerait n’importe quel bateau, chien, arbre, lac ou coucher de soleil qui se présente plus vite que son ombre, a pris l’habitude de marquer des pauses sur la route pour dégainer son Olympus compact et ainsi vous abreuver, chers lecteurs, d’images saugrenues de bateaux, de poulets, de nuages et de temples.
Perso, mes parents ne m’ont pas inculqué l’esprit de la photographie compulsive, et je le regrette souvent.
Mais un phénomène étrange se produit depuis que nous sommes sur les routes cambodgiennes : Ca y est, j’ai choppé le virus. Je suis à un stade moins avancé que celui de mon mari, mais je me mets moi aussi à m’arrêter sur le bas-côté en prévenant à la dernière seconde, et je prends des photos.
Et quelque chose me dit que le Cambodge y est pour quelque chose.
Oui, naturellement, la Thaïlande c’est beau. Oui, l’Indonésie, et en particulier Java, ça donne envie de croire en dieu. Oui, oui, oui, les Philippines et même certains coins de Malaisie sont à se taper le cul par terre.
Mais le Cambodge, c’est un peu comme une carte postale de l’Asie sans interruption. Si vous n’êtes jamais allé en Asie, vous devez avoir une image de rizières très vertes dans lesquelles des bœufs paissent allègrement, et où des « asiatiques » dotés d’un chapeau de bambou tressé pointu repiquent le riz. Le ciel est d’un bleu profond. Le vent joue avec l’herbe. L’air est sucré. Et au loin des nuages anthracites s’accrochent à des collines découpées en forme de molaires par l’érosion.
Eh bien le Cambodge, c’est ça avec un côté Indiana Jones et Les Mystères de l’Ouest en plus. C’est d’une beauté à couper le souffle à chaque pas, à chaque intersection, dans chaque ville, derrière chaque arbre.
Sur la route qui nous mène à Kampot, donc, je m’arrête sans prévenir et Aurel se retrouve dix mètres devant moi en dérapant sur le gravier du bas-côté. Et nos découvertes donnent ça.
Une fois dans la ville construite majoritairement par les Français lorsqu’ils sont venus traîner leurs guêtres en Indochine, nous nous mettons en chasse d’une guesthouse qui aura l’honneur et la joie de nous accueillir.
Nous ne tardons pas à tomber sur une petite rue choupette, bordée de bougainvilliers et autres fleurs exotiques, dans laquelle s’alignent les auberges à bas prix. Face à nous se dresse une grande bâtisse dans un jardin. Sur l’enseigne : The Magic Sponge. Devant, un américain souriant de ses 44 dents m’accueille en me demandant de l’appeler William et me fait visiter toute la maison, toutes les chambres de libres, en me parlant des facilités : Wifi, salle télé avec tous les films que l’on peut désirer, table de billard, piano, mini-golf, et bar fourni et très, très peu cher. La bière est à 50 cents en happy hour, 75 cents sinon. Je parle d’US dollar.
Et must du must : Il y a du Jameson.
Aurel est heureux.
Une chambre belle et grande qui donne sur un balcon en marbre pour 8$, merci le Cambodge, merci Kampot.
Parlons un peu de cette ville, car il y a des choses à dire, et beaucoup de bon.
Déjà, il y a des ronds-points farfelus.
Les constructions sont majoritairement coloniales, et Françaises, s’il vous plaît.
La ville est bordée par une rivière dans laquelle l’on peut se baigner en amont. Et c’est un conseil que je vous donne : Quand il fait 40°C et qu’il est 11h30, la rivière c’est le place to be.
Les gens s’y promènent en mob ou à vélo et les Cambodgiens sur leur vélo, ils ont une classe que nous n’aurons jamais.
Comme Aurel vous l’a délicatement susurré dans son dernier article, Kampot est célèbre dans le monde entier pour… Son poivre. Et si j’ai bien compris, les plus de 40 ans connaissent très bien le poivre de Kampot, puisque c’est celui que tout bon restaurant Français utilisait jusque dans les seventies. Je ne connaissais pas, je suis encore un bébé.
A côté de Kampot, il y a un parc Naturel qui n’a pas grand intérêt sinon une vue vraiment imprenable sur la baie. Et rien que pour ça, montez voir comme c’est beau.
Bon, vu que nous sommes à présent des vieux de la vieille, nous y sommes montés au moment où un nuage noir passait au-dessus de nos têtes, et rien pour s’abriter durant 20km. Ce qui a permis à Aurel de développer sérieusement le rhume qui lui tournait autour depuis deux jours. Mais que voulez-vous ? Quand on a l’âme d’un aventurier et le volume cérébral d’un poulet, on ne se refait pas !
Une fois redescendus, nous avons voulu aller sur la route qui rentre dans la mer, celle que l’on voit de là-haut. Et comme nous sommes des vieux de la vieille, nous avons facilement trouvé notre route.
Voilà, c’est Kampot.
Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin.
Le meilleur, pour des parisiens comme nous, c’est que les Français sont passés par là, puis sont partis.
Car derrière eux, ils ont laissé une victuaille qui n’a pas de prix.
Ils ont laissé des baguettes de pain.
Les Cambodgiens sont donc aptes à vous faire un sandwich avec de la baguette (qui a le goût de la baguette Carrefour mais franchement, au point où on en est, on ne fait plus nos parigots de merde) et du poulet, des crudités, et un genre de miel parce que par contre les Français sont repartis avec leur beurre.
Mais cette invention Franco-Cambodgienne me permet de me réveiller de bonne humeur tous les matins depuis que je l’ai découverte.
Après trois jours à Kampot, nous reprenons la route et nous dirigeons doucement vers Phnom Phen.
Pour vivre d’autres aventures merveilleuses et vous raconter prochainement comment ils sont sympas, ces Cambodgiens !
Et Claire en parle très bien alors je lui laisse la place et vais plutôt vous raconter quelques spécialités culinaires locales.
Comme le raconte avec humour le petit guide Kampotien à l’usage des touristes que l’on trouve dans toutes les bonnes Guest house : A Kampot, vous ne verrez pas d’éléphant ni de tigres.
Le seuls dangers que pourraient représenter le monde animal vient des serpents et des araignées, mais il est minime vu la propension des Cambodgiens à les mettre à leur menu.
Et c’est vrai qu’ils bouffent des trucs étranges ces bougres !
A part ces sandwichs baguette dont vous parlait Claire plus tôt, nous avons vécu une expérience culinaire majeure qui de prime abord peut sembler anodine.
Mettons-nous dans le contexte : il est soir sur la ville, nous avons faim.
Un stand de rue s’offre à nous comme une femme légère.
Une délicieuse soupe de riz au poulet nous est proposée que nous acceptons avec enthousiasme et force inclinaisons de la tête.
Sur le stand, quelques œufs durs traînent négligemment comme nous en vîmes souvent dans les pays précédents.
Ayant une faim de loup au cœur de l’hiver glacé, nous en commandons deux. Chacun un.
La cuisinière sourit, et nous apporte nos deux œufs, deux coquetiers, du citron vert, deux petites cuillères, et deux petits ramequins de poivre de Kampot.
Un joli et étrange préparatif pour des œufs durs. Ils sont raffinés les Cambodgiens !
Alors attaquons. Nous commençons à peler nos œufs, ce qui fait pouffer la fille de la maison.
Et tombons sur un os.
Au sens littéral.
Ces œufs durs sont en fait des fœtus de canard, comme en atteste la présence d’un petit duvet et de quelques microscopiques os mous.
Polis et curieux nous avons bien sûr fait honneur. C’est un peu dégueu à regarder et à ingérer quand on imagine ce que l’on mange. Surtout quand cela vous tombe sur le coin du nez par surprise. Mais le goût est bon.
En fait ces œufs de canards fœtus sont une des spécialités prisées dans ce coin. Cela se mange, façon œuf à la coque, avec une petite cuillère (pour la mouillette vous repasserez bien entendu) et assaisonné selon votre goût.
Une spécialité parmi tant d’autres. Hier au marché nous sommes tombés sur les inévitables sauterelles grillées. J’attends les serpents et les mygales pour vous reparler de gastronomie.
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