Depuis la colline de l’honorable dame qui a trouvé quatre statuettes sur un tronc d’arbre flottant jusqu’au bord d’un contenant de liquide

Ou en français: de Phnom Penh à Kompong Cham.

Car nous partons pour Kompong Cham à une centaine de kilomètres au nord.

En empruntant la nationale 7.

En très bon état selon le Lonely Planet, notre bible de choses à ne pas croire.

Quelques kilomètres de bitume vieillissant et la route se transforme en champ de bataille. Le revêtement laisse germer quelques trous sableux, qui au fil du temps inversent la situation en prenant le pouvoir, mais en ayant la mansuétude de laisser quelques mètres carrés de bitume au kilomètre.

Du cross dans la poussière, sur une nationale sans intérêt, où même les 4×4 hésitent et roulent au pas.

40 kilomètres de conduite tendue en évitant les trous dans lesquels un cochon adulte pourrait se lover. En évitant aussi les amoncellements de sable histoire de ne pas finir sur le flanc.

Puis nous atteignons enfin la route que nous visions.

Une petite route à peine visible sur la carte, qui longe le Mékong.

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Et c’est beau, relaxant après ce que l’on vient de vivre.

Des petits villages pépères, des enfants qui hurlent « hellooooo !! » en gloussant, des petits ponts métalliques qui surplombent les affluents  du Mékong.

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Une route où alterne bitume, terre rouge.

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Et de drôles d’équipage comme ce taxi commun ou ce derviche filant debout sur sa carriole tirée par un petit cheval. Petit, mais fougueux !

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Et ce sont des pauses au bord du majestueux Mékong, des temples endormis qui subitement s’animent dans un festival de chants joyeux et rythmés.

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Des chemins de traverse sublimes, une route où parfois nous ne pouvons pas aller à plus de 20km/h sous peine de casser nos machines, et nos os délicats.

Des petits villages où nous buvons un jus, pour nous rafraîchir.

A la table de Cambodgiens avec qui nous parlons, comme nous pouvons.

La route continue.

De la poussière il y en a toujours, mais la route est belle et calme.

Le ciel est merveilleux avec son bleu éclatant et ses petits nuages de coton.

Qui gagnent du terrain et s’assombrissent.

Nous on s’en fout, on est parés. On a le kit de survie du motard Cambodgien en cas de pluie Cambodgienne.

A la première goutte de pluie nous nous mettons sur le côté de la route, et nous nous harnachons, sous le regard amusé d’une famille qui s’abrite sous l’auvent de sa maison de bois et de bambou.

La pluie tombe, solide et dense.

L’homme de la maison, nous voyant prêts à repartir nous fait des signes énergiques avec  les mains, nous expliquant que là, ça va être tendu pour nos pommes.

Cela nous émeut, ce brave homme s’inquiète pour nous parce qu’il pleut…

Et c’est à ce moment que nous voyons passer un motocycliste…

Les Cambodgiens, comme vous le savez, grandissent sur des mobs, les enfants s’y baladent, coincés entre leurs parents, puis, plus tard se tiennent debout à l’avant, les mains sur le guidon.

Plus tard, cela devient leur moyen de locomotion unique, certains même travaillent dessus ou y font des siestes.

Alors imaginez comment ils les maîtrisent leurs meules.

Et quand nous voyons passer ce motocycliste tanguant, les jambes tendues pour parer un éventuel dérapage sur cette route humide, nous réalisons que quelque chose de nouveau nous est tombé dessus.

Mais bon, on ne va pas rester là tout notre vie si ?

On hésite, il pleut encore et une dame, chargée d’énormes plateau en alu choisit ce moment pour s’étaler à 10 km/h juste devant nous.

Nous filons l’aider à se relever.

Et nous comprenons.
Car le terme filer n’est pas exactement approprié. Le sol est glissant comme nappé de savon vaisselle. En plus collant : chacun de nos pas soulève deux centimètres de boue qui tient vaille que vaille à nos chaussures.

Alors imaginez, deux pas ça fait  quatre centimètres. Trois pas, six centimètres…

Et sous la terre grasse collante et glissante, une couche de poussière sableuse, rendant tout ça encore plus casse-gueule.

Idéal pour rouler non ?

Alors on se demande, que va-t-on faire, rester ici ? Camper sur le bord de la route au milieu de rien ? Demander l’hospitalité?

On attend un peu qu’il arrête de pleuvoir, et on se décide. Pas le choix, il faut qu’on avance.

Alors on avance. Leeeentement. Les jambes tendues pour parer à un cassage de gueule.

Les pneus de ville de nos bécanes deviennent lourds, chargés de boue, et dérapent à la moindre occasion.

Et mettent de cette fourbe terre humide partout, remplissant les garde-boues qui n’auront jamais aussi bien porté leur nom.

A tel point qu’il faut de temps en temps racler cette invasion rouge sang coagulé, en perdant nos chaussures, happées…

Ils se sont gourrés les Ricains, le Blob n’est pas vert.

Régulièrement un Cambodgien (ou une Cambodgienne) dérape, manque s’étaler comme une crêpe dans cet enfer. Claire échappe à la chute, mais en perd une tong. Que des ethnologues retrouveront sans doute dans quelques milliers d’années.

Ah non elle est là, la chausser revient à mettre son pied dans un magma moite.

Point positif, il ne pleut plus du tout.

Et c’est ainsi que nous avons parcouru, en une heure, les 4-5 kilomètres qui nous séparaient du tronçon en dur. Du bitume !! Merci.

Merci, quelques tours de roue pour perdre une partie des kilos de terre argileuse recouvrant nos mobs.

Ce n’est pas suffisant car les pneus frottent encore à la boue accumulée dans les parties censées les garder.

Et comme la vie est bien faite en Cambodgie, la pluie revient, façon Kärcher pour les 20 kilomètres qui nous restaient pour atteindre Kompong Cham.

La tête du staff de l’hôtel quand ils nous ont vu débarquer, trempés comme des soupes aux vermicelles, et repeints de la tête aux pneus par la terre rouge.

Une douche.

Non, plutôt deux tiens !

Et en trois minutes, la chambre immaculée s’est transformée en bauge.

Dehors il fait nuit, il nous aura fallu presque huit heures pour faire 108 km.

Un festin, quelques mouvements d’exercice pour nous détendre et nous réchauffer, et au lit pour un gros dodo !

Le lendemain il fait ciel bleu.

A deux pas de là le Mékong s’écoule, paresseux.

Le reste d’un protectorat passé monte la garde au dessus de ses eaux calmes.

Une île sans voiture nous fait de l’œil.

Accessible en ferry. Pendant la saison humide ou le fleuve est haut. Mais là, coup de chance on peut y aller grâce à un petit pont. En bambou. Construit à chaque fin de saison des pluies et détruit à chaque début.

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C’est tellement pittoresque. On se croirait dans un Indiana Jones !

Alors nous y allons. Quelques centaines de mètres à peine.

Et pour que vous compreniez bien ce que l’on ressent (pas que vous soyez plus benêts que ça mais c’est une expérience relativement originale), voici à quoi ressemble la conduite sur un pont de bambou.

Le revêtement est fait de trois rangées de lamelles de bambou de 2-3 centimètre de large chacune, reliées en leurs extrémités pas d’autres lamelles, plus épaisses et grosso-modo perpendiculaires.

En dessous, rien. Non Mélo, ça ne tient pas en l’air par magie. Y’a un truc !

Voilà, on peut se lancer. C’est comme de rouler sur un trampoline fibreux. Ça rebondit mollement au centre des rangées, et plus vivement à leurs jointures.

Ce qui est un peu tricky, car comme ça rebondit, la trajectoire ressemble un peu aux sautillements bucoliques du jeune faon dans une clairière ensoleillée. En plus aléatoire, en moins maitrisé. Et en moins élégant.

Cela fait donc rebond mou, rebond mou, houlà ! Rebond ferme, rebond mou…

Voici la traversée en image, vous comprendrez peut-être mieux:

 

Les bras tétanisés mais contents d’avoir réussi, nous voilà sur l’île.

Un grand moment de magie va pouvoir commencer.

Cette île est grande, utilisée principalement pour la culture du maïs. Pas de voitures, de mobs, des chevaux, des piétons.

Quelques mini villages espacés de plusieurs kilomètres.

Des puits partout, et au détour d’un petit pont comme dans les Disney, un temple jaune éclatant.

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Et partout du calme.

Et du velours pour les mirettes.

Ah oui on souffre. Nan rigolez pas, notre vie n’est pas une partie de plaisir !

Vous avez la moindre idée de ce que c’est de, tous les jours :

–        voir des paysages qui vous retournent par leur beauté sans chichi

–        se faire surprendre par un énorme temple au détour d’un chemin boisé

–        voir des regards chargés de malice joyeuse chaque fois que nous croisons la vie de quelqu’un

–        et des sourires. Des vrais pas de ceux que l’on apprend à faire.

–        de vivre très largement avec moins de trente €uro par jour

–        de se demander si on n’irait pas par là demain tiens,

–        et de changer d’avis, parce que de toute façon où qu’on aille on est bien, bien accueillis, bien nourris, bien logés, parce qu’où l’on aille les gens sont gentils.

Alors oui surement certains bougons diront, mais de quoi se plaignent-ils encore ceux là ?

Et bien à ces pisses-froids nous répondons : de rien, merci ! La vie est belle !

Et l’île me direz-vous (maintenant que vous être calmés).

Pour le reste de l’île, il faut l’avoir vécu. Il s’y est passé des choses incroyables, mais il faut l’avoir vécu.

Pour vous consoler, et vous faire chanter la marseillaise, débout et le chapeau sur le cœur, voici un touchant témoignage de notre présence Cambodgienne.

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Notre présence signifiant dans ce cas celle de notre douce et couillonne patrie.

Puis nous avons vécu encore un peu de Kompong Cham, et sommes repartis, après une seconde nuit au palace, pour Kratie.

Avé !

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