Ca y est, c’est la saison des pluies.
Nous avions pourtant été chanceux depuis le début de nos pérégrinations asiatiques.
Déjà aux Philippines, nous arrivions en pleine saison des pluies.
A Bornéo, la saison des pluies commençait.
En Indonésie, c’était la saison des pluies dès que nous posions un pied sur une île.
En Thaïlande, nous avons débarqué 15 jours avant la saison des pluies et au Cambodge, elle avait déjà commencé depuis un mois et demi.
Et pourtant, il a fait vraiment beau et souvent trop chaud où que nous soyons allés.
Y a plus de saison, ma bonne dame !
Puis depuis quelques jours, la nature a repris ses droits et le vent a soufflé dans la chaumière, les températures ont chuté, l’humidité n’a plus quitté nos sacs à dos que nous avions pourtant recouverts de 3 couches de vêtements imperméabilisants, sacs de riz et sacs en plastique en tous genres.
Je me suis mise à porter mon coupe-vent et ma polaire dès que nous faisons plus de 5 km en mob. Un vrai mois de Juillet à Paris.
En se réveillant pour la première fois dans notre belle et très grande chambre de Takhek dotée d’une salle de bain aussi grande qu’un terrain de handball, nous ouvrons donc nos volets et tombons sur… De la pluie.
Qu’à cela ne tienne, nous avons passé tous nos niveaux d’explorateur-baroudeur avec succès ces derniers mois, ce n’est pas une mousson qui nous arrêtera.
Nous avons des projets de visite, aujourd’hui !
La région de Takhek est connue pour ses grottes innombrables et gigantesques confinées dans un paysage surréaliste de Chine ancestrale. Des amas rocheux, aux pieds desquels les rizières baignent dans une eau mêlant l’émeraude et la terre. Les paysans qui les cultivent portent des chapeaux pointus et des habits colorés. Ils pataugent comme des gosses dans la boue pour repiquer leur riz.
A présent, voyons si je vous ai bien décrit le tableau. Voici ce que ça donne visuellement.
Seulement, voilà : Comme vous l’aurez compris, et bien que d’ordinaire nous ne sommes pas vraiment ce genre de personne qui se préoccupe du temps qu’il fait comme de leur hygiène dentaire, c’est la saison des pluies.
Cela signifie que des rivières sont apparues, celles qui existaient déjà sont sorties de leur lit, et que la grande majorité des grottes que l’on peut voir est sous l’eau.
Je vous rappelle que nous sommes à présent au niveau 5 d’explorateur-baroudeur, que c’est le plus haut niveau avant de devenir instructeur, et que nous bossons déjà pas mal pour obtenir ce dernier avant notre retour. Donc ce n’est pas un torrent de caniveau qui va nous arrêter.
Sur la route numéro 12, à bord d’un Perceval qui a le tablier qui raye le bitume tellement il en veut, nous voyons un premier panneau indiquant une grotte sur la droite.
Ni une, ni deux, nous voilà sur un chemin de terre détrempée mais pas très glissante. Il existe en effet tout un panel de chemins de terre détrempés.
Citons parmi ceux que l’on rencontre le plus fréquemment la terre remplie de cailloux (notre préféré lorsqu’il pleut, ça glisse autant que sur du goudron), le sable qui peut encore se boire quelques quintaux (il vaut mieux viser les flaques dans ces cas-là, sûr de ne pas tomber), et la poussière très fine imperméable qui recouvre sur quelques centimètres un chemin de gravillons (le cauchemar de tout véhicule qui s’y aventure. Même les 4×4 ne font pas les fiérots).
Nous sommes ici face à un mélange de terre remplie de cailloux et de sable. Si vous avez bien retenu la leçon, vous savez donc qu’il faut… ?
Rouler normalement en visant les flaques d’eau, tout à fait.
Un kilomètre plus loin, le panneau nous indique de tourner à gauche. Le temps que notre sens de l’orientation se mette sur marche, nous faisons demi-tour et tournons là où le panneau l’indiquait, donc à droite, car nous avons un GPS dans le cerveau.
Un fleuve s’est installé sur la route, charriant troncs d’arbres, voitures, maisons et vaches.
Aventuriers dans l’âme, mais pas non plus suicidaires, nous rebroussons chemin. Il semblerait qu’une autre route mène à cette grotte spectaculaire. Mais nous y reviendrons plus tard.
Prenons la route qui mène à la Bouddha Cave. Mais d’abord, un peu d’histoire.
En 2004, un habitant du coin se baladait dans sa vallée quand il tomba sur une entrée dans la roche. Se contorsionnant, il parvint à y pénétrer et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit 200 statuettes de Bouddha amassées là, des grandes, des petites, des presse-papiers, qui avaient été oubliées durant des siècles. Depuis, ce lieu redevenu sacré peut se visiter. En revanche, les photos sont interdites.
Et maintenant que je vous ai entraîné le cerveau à vous figurer ce que je vous décris, je vais pouvoir faire de même, mais sans photo à la clé :
C’est une petite pièce constituée de coulées de calcaire, qui a sculpté ses propres entrailles en une immense vitrine de Noël.
La température semble y être constante, car beaucoup plus élevée qu’à l’extérieur. Ils vous ont orné le tout de lumières bleues, qui virent au vert, qui virent au jaune, à l’orange, au rouge et vous emplissent les yeux d’un spectacle lumineux qui vous laisse sans trop de voix.
C’est à la fois solennel et too much. Exactement ce que les asiatiques savent faire de mieux.
Après 10 minutes d’émerveillement (la grotte n’est vraiment pas grande), nous décidons qu’il est temps pour nous de prendre un petit dej d’aventurier.
Nous nous arrêtons devant les échoppes qui jouxtent la grotte et commandons deux Ice tea, ceux au germe de riz, ou d’avoine, nous ne nous fions qu’au dessin sur la bouteille.
Toujours est-il qu’ils sont vachement bons.
Quand tout à coup, de petites bouteilles de plastique posées sur l’établi et renfermant un liquide noir attirent notre attention.
Qu’est-ce que c’est que ce truc ?
Je m’approche prudemment, l’inspecte… On dirait du café qui mijote avec des écorces et des herbes. La vendeuse me fait signe de gouter. Je me tape un bouchon… C’est de l’alcool qui vous réchauffe l’estomac pendant 20 minutes, tout comme une bouillotte le ferait.
Nous aimons les nouvelles expériences : Ce soir, ce sera apéro à l’alcool mystère.
Puis une nouvelle grotte nous titille la curiosité. Nous tentons de nous y rendre, nous enfonçons dans la jungle, bravant les éléments qui se déchaînent contre nous, et arrivons sur un village en forme d’intersection.
Deux vieux boivent une Beer Lao à la « terrasse » de leur maison. Ils nous interpellent, nous crient de grands « Sabaidi » d’émotion, et nous en profitons donc pour demander notre chemin.
« Cette grotte-là est complètement sous l’eau » nous dit l’autochtone en Laotien (oui car quand vous êtes niveau 5 vous comprenez absolument toutes les langues du monde). « Il n’est pas possible de la visiter. Je vous conseille plutôt de rebrousser chemin, de rejoindre la route numéro 12 et de la poursuivre sur 5 km, là-bas vous pourrez voir quelque chose d’absolument hallucinant ».
Il nous a mis l’eau à la bouche, avec ses belles paroles, le vieux. Sans plus attendre, nous suivons ses conseils à la lettre. Au bout de quelques kilomètres, un panneau nous annonce qu’une grotte se cache à proximité.
Nous descendons de Perceval pour inspecter les environs… Un homme sort d’une bicoque et nous explique que cette grotte n’est accessible qu’en bateau, mais moyennant participation aux frais d’essence et au temps qu’il prend pour nous, ça pourrait bien se faire.
Nous voici sautant agilement dans la jonque pour prendre place. Nos trois poids, bien que étant de sveltes athlètes Aurel et moi-même, nous fait penser à maintes reprises que nous allons rentrer à la nage. Nous passons un premier bosquet, puis la bouche béante de la grotte, recrachant des milliers de litres d’eau à la seconde, se dévoile à nos yeux.
Déjà que nous nous pensions des aventuriers, laissez-moi vous dire qu’à cet instant, nous sommes à deux doigts de faire pipi d’excitation dans notre culotte .
Tandis que nous entrons dans la cavité, que la lumière du jour diminue, que le bruit du moteur se répercute sur les parois et que les gouttes d’eau finissent dans nos yeux ébahis, Aurel trouve le temps de faire quelques photos.
Puis pose clope sur un rocher de l’autre côté de l’orifice.
Grimper sur de la roche mouillée en tong étant une deuxième nature chez nous, cela ne nous pose aucun problème.
Il est temps de repartir, de dire merci à notre chauffeur de jonque, et de rentrer vers Takhet. Car mine de rien, c’est une balade de 3 heures que nous venons de faire sous la pluie.
Mais avant de rentrer, nous voulons tester cet autre chemin qui mène à la première grotte / échec. Que voulez-vous ? Chassez le naturel…
Juste avant la rivière, nous voici partis sur un chemin de terre nettement plus ardu. C’est un mélange successif de sable, de gadoue pur beurre, de mini étangs qui voit Perceval tousser, accélérer, chasser du cul mais comme le dit si bien mon mari, sa mob est un tracteur et passe partout.
Il faut dire qu’Aurel a aussi pris l’option Conduite de mob en situation extrême dans son cursus d’Aventurier-baroudeur. Puis une intersection. Deux chemins de part et d’autre.
A gauche ? Peut pas, c’est sous l’eau.
A droite ? Idem. Un poteau témoin indique 90cm de profondeur. Très bien.
Nature, tu auras toujours raison de nous !
Un peu de réconfort à la terrasse chaleureuse de notre guesthouse est bienvenu.
Sortons notre apéro mystère et le jeu de cartes.
Ce breuvage avait un subtil goût de café, mais surtout d’herbes aromatiques. Aurel l’a vite comparé à juste titre à du Genépi. Toujours est-il qu’il nous a rapidement attaqué les sens, que les trois bières enquillées entre temps n’ont pas arrangé les choses, que j’ai fini par pleurer sur la bêtise humaine de nos voisins de table à 23h30, et qu’à minuit nous étions au lit.
C’était une bouteille qui contenait 15cl d’alcool.
Nous l’avons équitablement partagée.
Il parait que les Laotiens sont friands d’éthanol lorsqu’il s’agit de se biturer.