Il est 11h09, je me réveille, un peu chancelant.
Claire fera de même quelques dizaines de minutes plus tard.
Les bons guerriers ont finalement une bonne gueule de bois.
Mais nous avons célébré avec panache notre dernière vraie soirée en Asie du Sud-Est.
Aujourd’hui nous devons nous rendre à l’aéroport de Bangkok (BKK en code IATA) pour prendre un avion qui nous mènera, en Asie toujours, mais en Inde cette fois-ci, dans la douce et riante ville de Calcutta (ou Kolkata).
Voilà en gros et sans auto-apitoiement à quoi vont ressembler les prochaines heures.
– Gueule de bois donc, qui dure jusqu’à l’aéroport que nous rejoindrons dans un van surchargé vers 19 heures. Puis plus qu’à attendre l’avion.
– Qui partira, le lendemain à 02h55.
– Quelques heures d’attente donc dans l’aéroport congelé. Jusqu’à l’heure du départ.
– Heureusement nous avons de quoi nous occuper : un jeu de carte, quelques restaurants, des indiens rentrant au pays avec une à trois télé à écran plat dans leurs bagages, et autres fantaisies dont nous avons le secret pour combler les attentes.
– Puis deux heures de vol qui nous permettront de dormir enfin, un peu, pas longtemps, mais c’est déjà ça. Ça nous donnera le sursaut d’énergie pour tenir jusqu’à notre futur lit.
– Et nous débarquons à l’aéroport International de Calcutta (CCT en code IATA) à 3h50 heure locale (5h20, heure de Bangkok).
Pas mécontents d’être là, la fin de notre calvaire approche.
– Pensons-nous.
– Nous récupérons nos sacs pendant que nos camarades d’avion récupèrent leurs écrans plats et partons en chasse, dans l’ordre, d’un distributeur de roupies et d’un taxi.
– Le distributeur n’est pas monnaie courante au terminal des arrivées de CCT. Il en existe un aux départs.
pour l’atteindre, il faut monter d’un étage, aller voir le manager de l’aéroport, munis de nos cartes d’embarquement, et lui demander une autorisation de pénétrer dans le terminal des départs.
Ceci fait, nous devons ressortir, passer le contrôle de la police qui tique car ne comprenant pas pourquoi nous sommes deux à vouloir aller tirer de l’argent dans ce terminal. Mais nous laisse finalement passer.
Retirons des bons sous et ressortons, par la même porte qui n’est pas supposée être une sortie, vu que les gens qui la franchissent prennent l’avion.
Enfin nous redescendons au terminal des arrivées où se trouvent les taxis prépayés.
– Les taxis prépayés sont des taxis, sous le contrôle de la police, qui ne touchent pas d’argent directement du client.
Pour les utiliser, il faut rentrer dans le terminal, attendre que le guichetier veuille bien s’occuper de toi et lui donner ta destination. Il t’annonce alors un prix et te donne un bon.
Muni de ce bon il faut ressortir, aller au guichet des taxis prépayés tendre le bon au guichetier, et celui-ci après en avoir pris une partie, te donne le numéro d’immatriculation du taxi qui aura l’honneur de nous conduire à notre Guest house.
– Il est 4h55 du matin. Le taxi, une Ambassador bien sûr, démarre son petit diesel.
– S’ensuit une course incroyable pour parcourir les quelques kilomètres séparant l’aéroport de l’hôtel.
– Pied au plancher sur les routes défoncées, en zigzaguant entre les autres voitures, bus antédiluviens, rickshaws et piétons… ça secoue, ça bringuebale, le taxi fonce, passe à quelques millimètres des divers obstacles, pile quand vraiment il n’a pas le choix et ponctue son trajet d’un permanent concert de klaxon.
– Puis nous pose, un peu plus réveillé et bien plus tremblotants qu’à notre sortie d’avion, devant notre hôtel endormi à 5h12.
– En demandant bien sûr un petit pourboire.
– Voilà, nous allons pouvoir dormir un coup. Enfin, après presque 24h quasi ininterrompues.
Sauf que vous le savez désormais, rien ne se passe jamais exactement comme prévu.
Nous voilà débarqués devant le Pioneer International Hotel, un prestigieux hôtel où nous avons estimé avoir réussi à réserver une chambre par emails quelques jours auparavant.
Je dis estimé car nous le savons maintenant, rien n’est acquis tant que nous n’avons pas la clé de la chambre et posé nos sacs dedans.
A 5h15 Calcutta est une ville d’apparence tranquille et plutôt calme. Il y fait une bonne trentaine de degrés.
Et c’est sur ce constat, que nous allons essayer de prendre possession de notre chambre.
Claire monte (c’est au premier étage) pour voir si tout est ok, et redescend, le visage fatigué et un peu dépité m’annonçant que la grille de l’hôtel est fermée et que tout est éteint, et que des gens dorment sur le sol.
Crotte !
Soit, nous ne sommes plus à ça près, attendons un peu.
L’ambiance est charmante.
Derrière nous, un chantier d’immeuble, autours de nous les immeubles semblent sortis d’une BD d’Enki Bilal, et pour la musique, des dizaines de corbeaux croassent en voletant sombrement au dessus de nos têtes.
Au bout de trois quart d’heure, un voisin aimable nous voyant tituber sur nos frêles gambettes sous le soleil montant lentement mais sûrement vers son zénith, prit l’initiative d’aller secouer un peu tout ça.
Entraînant Claire (oui, je suis en charge des bagages), il monta à nouveau, et dépourvu de nos scrupules, réveilla la chaumière.
La bonne nouvelle fut que nous avions bien une chambre, au prix convenu par email (après une nouvelle négociation).
La mauvaise étant que cette chambre ne serait disponible qu’à 10h. Soit dans 4 heures.
…
Qu’est-ce donc que 4 heures à attendre ?
Dans l’absolu, c’est de la roupie (si je peux dire) de sansonnet.
Dans ce cas, après une courte nuit de débauche dans les quartiers mal famés de Bangkok, suivie d’une forte gueule de bois, d’une nuit presque blanche et de quasi 24 heures sans sommeil, je peux vous le dire, sans faire ma fillette, c’est un peu dur.
Mais bon, notre surnom c’est « cœurs vaillants », alors, profitons de la fraîcheur du jour pour aller visiter un peu les alentours.
Les ruelles sont vides, les commerces fermés, et nous avons du mal à imaginer la grouillante Cité de la Joie qu’est Calcutta en contemplant ce désert.
Alors, nous marchons, cherchant, désespérément un lieu où nous poser et boire un jus frais.
Rien.
Calcutta ville morte. Quelques indiens marchent dans la rue en se brossant les dents.
Et c’est tout.
Jusqu’à ce qu’au détour d’une rue…
Un marché aux poulets. Des milliers de poulets, vivants, dans des paniers en osier. Des vendeurs de poulets qui jettent dans tel ou tel panier les poulets (toujours vivants) selon leur taille.
Des acheteurs de poulet qui en choisissent quelques dizaines, et les accrochent, par grappes (toujours vivants) sur leurs vélos.
Un marché au poulet c’est un bon signe.
Déjà, il y a de la vie, notre jus du matin ne doit pas être trop loin. Alors nous suivons la foule, et découvrons le marché, ses odeurs, ses épices, ses poissons, ses commerçants souriants qui ne le sont plus quand on les prend en photo (à leur demande).
Un bol de vie qui nous émerveille, nous fait rire et nous aide bien à passer le temps, même si au fond de nous, nous n’avons qu’une seule envie.
Dormir !
Mais le temps passe, et il est bientôt 7h. Un troquet nous accueille, nous nous y abreuvons, et grignotons un petit quelque chose. Nous avions un petit creux, et ça passe le temps.
Tellement bien, qu’à 8h10, nous revoilà devant notre hôtel, toujours porte close et que Claire s’écroule de fatigue.
Tenant fièrement mon rôle de mari aimant et protecteur, je traque les moustiques qui essaient de lui piquer de son bon sang.
Et vers 9h, n’en pouvant plus de ce combat perdu d’avance, nous remontons, demander l’asile dans le couloir de l’hôtel.
On nous offre deux chaises, sur lesquelles nous nous endormons comme des tas.
Une demi-heure après le gérant de l’hôtel, sort de la chambre qui nous est destinée, le regard plein de gentille compassion, et nous réveille avec douceur pour nous annoncer la plus belle nouvelle depuis longtemps :
Notre chambre est libre et nous attend.
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