Rishikesh a obtenu sa renommée à la fin des années 60, lorsqu’un cafard hyper-connu y a posé ses guêtres avec sa femme pour quelques semaines, et a appelé ses trois autres amis cafards hyper-connus en leur disant que l’endroit était plein de bonnes vibrations et de bons LSD.
Du coup, un groupe de cafard y est resté quelques mois pour composer un album blanc hyperconnu.
Depuis, après quelques pèlerinages de fans, la ville est devenue la capitale mondiale du yoga.
Qui veut devenir prof de yoga réputé vient prendre ses cours ici.
Nous n’avons rien contre le yoga. Nous n’avons rien pour non plus. Et la méditation n’a pas besoin de cours pour se pratiquer. Il suffit de s’isoler et de fermer les yeux pour réfléchir.
Alors que venons-nous faire à Rishikesh ?
Déjà, un voyageur que nous avons rencontré au Cambodge et expatrié en Inde depuis 15 ans nous en a dit le plus grand bien. C’est là qu’il vit la plupart de l’année. C’est qu’il doit bien y avoir quelque chose.
Ensuite, Rishikesh est enclavé dans des montagnes. Montagnes que nous recherchons activement pour échapper aux 45°C et à la surpopulation de l’Uttar Pradesh. Et effectivement, il y fait frais, et c’est caaaaaaalme…
Nous nous trouvons une petite chambre avec terrasse à flanc de montagne, respirons le bon oxygène, et nous relaxons. Plus de klaxons incessants, plus de transpiration, plus de galimatias de poussière collés dans les plis du cou, rien que les oiseaux et le bruit des insectes qui se réjouissent de la pluie.
Oui, parce que par contre, il pleut.
Et l’altitude n’aide pas à ce que les nuages circulent librement, non. Au contraire, ils viennent s’agglutiner au dessus de nos têtes et pas question de bouger.
Mais qu’importe, nous aspirons à du repos.
Donc repos ce sera. Nous irons tout de même visiter la ville qui n’a pas grand-chose de folichon mis à part les hordes d’israéliens qui peuplent ses rues, les 3-4 français qui traînent chez les disquaires et les restes d’une énorme inondation au mois de Juin qui a fait quelques milliers de morts.
Mais contrairement à Haridwar, nous retrouvons les rabatteurs, les gens qui viennent nous parler en se disant qu’avec un peu de chance ils trouveront la combinaison gagnante pour qu’on leur lâche quelques billets, et nous en avons suffisamment soupé, donc non, merci.
Direction une cascade perdue dans la montagne et un trek de quelques centaines de mètres pour aller voir la chute d’eau de plus près.
C’est en pleine nature, ça nous fait cracher nos poumons, ça nous rend poètes, et en plus ça nous fait dormir tôt ce soir là.
Le lendemain, nous atteignons les 2000m d’altitude pour rejoindre Mussoorie, station de montagne prisée par les Indiens friqués.
Il y a effectivement une jolie vue sur Dehradun, capitale de l’Uttarakhand, mais cette vue est cachée par de lourds nuages noirs qui viennent là aussi s’écraser sur nos têtes.
Et vu que nous sommes prévoyants comme des pâtés de sable, nous n’avons pas d’équipement contre la pluie digne de ce nom, ni pour nous, ni pour nos sacs à dos. Ajoutez à cela la perte des degrés tous les 100m d’altitude gagnée, nos mains et nos pieds gelés (nous, on fait de la moto en tong, oui madame), et un embouteillage à l’entrée de la bourgade, parce que les Indiens sont forts en beaucoup de choses, mais il y en a une dans laquelle ils n’excèdent pas vraiment : L’habileté dans la conduite d’une voiture.
Ils n’ont pas du tout de compas dans l’œil. Du coup, ils s’arrêtent lorsqu’une autre voiture roulant en sens inverse arrive à leur hauteur, de peur d’abimer leur auto. Et ça peut durer un quart d’heure pendant lequel les autres klaxonnent mais n’avancent pas plus.
Voilà dans quoi nous nous trouvons, transits de froids, trempés jusqu’aux os, sur Rajesh, en pleine montée pentue.
Je décide de lâcher un peu de lest et de descendre de la moto pour permettre à Aurel de redémarrer et de slalomer plus facilement. Retrouvons nous en haut de la pente. Je fais quelques pas puis me retourne pour voir où mon mari en est : Nulle part.
La moto est sur le flanc, Aurel est à côté et tente de la relever, implorant de l’aide du regard. N’écoutant que mon courage, je redescends en quelques enjambées et porte secours à mon mari.
Voilà comment ça s’est passé : Aurel est sur Rajesh, prêt à dépasser la voiture devant lui. Mais celle-ci tente d’avancer. Son conducteur, pas très expert, ne sait pas ce qu’est un démarrage en côte et recule de deux mètres avant d’appuyer suffisamment sur l’accélérateur. Ce qui lui suffit pour rentrer dans Rajesh et la coucher à terre, malgré les efforts musclés d’Aurel pour la maintenir debout.
Au passage, il s’ouvre le pied et se brûle le mollet sur le pot d’échappement de la moto.
Quand au type qui ne sait pas conduire, il n’a même pas dû remarquer qu’il était rentré dans une moto.
Et même s’il l’a remarqué, ce genre d’incident est si fréquent ici que personne ne prend la peine de s’inquiéter de ce qui vient de se passer. Je suis rentré dans une voiture ? Elle a une pare choc, c’est fait pour ça. Fin du problème.
Nous attendons donc que le bouchon se disperse pour reprendre la route. Je continue à pied tandis qu’Aurel, souffrant un peu, remonte Rajesh jusqu’en haut de la côte.
Un homme l’interpelle, il veut nous conduire chez son ami qui a un hôtel pas cher avec vue sur la vallée pour un prix raisonnable. Vu notre état et la situation, nous acceptons rapidement. L’homme me fait alors visiter une chambre sans fenêtre, sale, humide, mais nous acceptons tout de même : Aurel a mal et nous n’avons plus rien de sec sur nous.
La fin de la journée se passera sous une couverture en laine qui n’a jamais été lavée à regarder des épisodes de Scrubs pour penser à autre chose qu’à mon mari qui souffre.
Je passe à la pharmacie acheter des bandages et des compresses et entame le traitement de ses plaies.
Car avec une entaille dans le pied, nous sommes coincés ici. Impossible de reprendre la route, la bête est trop lourde pour que je puisse la conduire.
En revanche, il est hors de question que nous passions une nuit de plus dans cette caverne poussiéreuse et crade. Je m’en vais négocier une belle chambre avec balcon dans un hôtel juste au dessus.
Une des plus belles chambres qu’il nous ait été donné de posséder depuis notre départ (à part la chambre du Sheraton mais ça ne compte pas). Car mon mari a besoin de repos et de confort.
Et puis il y a autre chose : Mon mari est mon mari depuis 3 ans maintenant. 3 ans de joie, de rires, de blagues, d’amour et de tendresse, que nous allons fêter à Mussoorie, comme des touristes riches.
Une chambre avec room service, pratique pour quelqu’un qui ne peut pas se déplacer, et télé avec chaines de cinéma, pratique pour glander intensément durant 3 jours.
Car durant 3 jours, il ne s’est rien passé pour nous. Nous avons dormi, mangé, vécu dans cette chambre comme des stars de cinéma à Los Angeles.
Puis le 4e jour, le pied d’Aurel allait beaucoup mieux. Donc nous sommes sortis prendre l’air et faire un essai avec la moto.
Cela nous a permis de rencontrer Manish, joueur de cricket professionnel au Punjab, dans une équipe locale. Il espère bientôt intégrer l’équipe nationale.
Puis plus tard, au détour d’une route où nous nous étions arrêtés, une voiture d’où sort du gros son s’arrête et 4 indiens en sortent.
Ils ne parlent pas anglais mais leur bonne humeur et leur joie de vivre laisse présager qu’ils sont bourrés alors qu’il est 14h.
Ils nous offrent une bouteille de whisky sans plus de cérémonie et se mettent à danser.
Une session photo et films, et nous allons retrouver Manish pour boire l’apéro.
Manish est venu ici en week-end avec ses deux amis et son boy.
Ils nous abreuvent de whisky et nous gavent de légumes apéro en nous parlant des différences culturelles entre les Indiens et les occidentaux.
Ils sont très ouverts, la conversation est très intéressante, jusqu’à ce que nous soyons nous-mêmes bourrés.
Sauf qu’il est 22h30.
Après tout ce luxe et toute cette glande, il sera temps pour nous de partir de Mussoorie pour commencer à Voyager en Inde.
Pour de vrai.
Pas à moitié.
Pingback: Ce n’est pas la fin, c’est le début de quelque chose d’autre. | Sommes-nous seuls sur terre ?·